Arcade Fire - Reflektor (2013)
Pistes :
Disque 1 :
1. Reflektor
2. We Exist
3. Flashbulb Eyes
4. Here Comes The Night Time
5. Normal Person
6. You Already Know
7. Joan Of Arc
Disque 2 :
1. Here Comes The Night Time II
2. Awful Sound (Oh Eurydice)
3. It's Never Over (Hey Orpheus)
4. Porno
5. Afterlife
6. Supersymmetry (with Hidden Track)
Musiciens :
Win Butler (guitare, chant) - Régine Chassagne (batterie, chant, accordéon, piano,…) - William Butler (claviers, basse, percussions) - Timothy Kingsbury (guitare, basse) - Richard Reed Pary (organ, claviers, guitare) - …
Critique :
Au mois d’août 2010, en plein milieu d’été, The Suburbs met le feu aux poudres, projetant Arcade Fire, l’outsider indé, au rang de colosse de l’industrie musicale. Avec le temps, Les Canadiens sont également devenus des as du marketing, maniant habilement l’art du buzz en disséminant des logos cryptiques sur les murs de différentes villes dans le monde plusieurs semaines avant la sortie. Les plus habiles décryptent alors Reflektor, confirmé par le premier extrait éponyme lâché le 9 septembre.
Maître dans l’art du revirement voire de la volte-face, le groupe défie les lois de la gravité tout autant que celle de la popularité avec Reflektor, en bouleversant les formes sans renier les fondations. Point de traîtrise dans ce quatrième album, Arcade Fire avait donné le ton et ouvert les portes de la perception avec « Sprawl II (Mountains Beyond Mountains) », un titre retro-dance gavé de synthés. Et puis, Win Butler n’a jamais caché les affinités artistiques du groupe avec Bowie, New Order ou Talking Heads…
Construit méticuleusement au travers d'expériences, de virées influentes (Haïti, Jamaïque, Louisiane…) et de rencontres dont celle déterminante avec James Murphy (LCD Soundsystem), Reflektor a pioché sa tracklist parmi 50 à 60 chansons disponibles. Ce double album ambitieux offre, du coup, une double lecture avec un premier disque néo-dance rock et un deuxième plus éthéré et immersif.
D’entrée, le morceau titre « Reflektor » met une gifle monumentale qui met le cul par terre, sans un soupir, sans un remord, devant ce monstre de composition. De passage à New York dans les studios, on imagine Bowie bouillir intérieurement en découvrant ce chef d’œuvre, à la fois furieux de ne pas l’avoir composé lui-même mais le regard fier d’un patriarche sur le travail de ses propres mômes. Quant aux quelques secondes de chœurs de Bowie, elles subliment purement et simplement une chanson proprement anthologique.
A vrai dire, Reflektor est un foutoir sonore extrêmement dense, vivant et stratifié, particulièrement piège à la première écoute… et aux suivantes. Certains reprocheront aux canadiens d’intellectualiser leur musique et d’autres se plaindront de ce côté dancefloor dégueulant. Mais malgré un répertoire excentrique et disparate, les canadiens conservent une solide base mélodique qui prend simplement des formes plus éclectiques : du disco funk (« We Exist »), du rock underground Velvetien (« Normal Person »), du punk glam billingue (« Joan Of Arc »), de l’electro pop (« It’s Never Over (Hey Orpheus) »), du sex appeal avec « Porno ».
Reflektor un album épique recelant de mélodies subtiles, d’un travail d’orfèvre aux manettes et, une nouvelle fois, des chants habités de Win Butler et Régine Chassagne. Reflektor ? Un grand album moderne.
Jean Jean