Last Train - Interview - 13.09.2019 (2019)
Interview enregistrée le 13 septembre, un vendredi, jour de sortie du disque, l’excellent The Big Picture. Tim nous a livré à chaud les premiers retours, mais aussi l’ambition débordante de ce groupe de quatre potes qu’aucun rêve n’effraye. Un groupe qui songe aux lendemains et qui construit son avenir à la force du poignet sans rien devoir à personne. Do it yourself, c’est bien connu.
Rocklg : Bonjour Tim, comment ça se passe dans le contexte la sortie de The Big Picture ?
Tim : Ça se passe bien, on est très heureux de voir enfin la pochette sur les réseaux, de voir les gens qui peuvent l’écouter. Le premier album est sorti en plein milieu de tournée. Il y avait déjà 2 EPs sortis avant… Il y avait donc plus de la moitié des titres que les gens connaissaient déjà ! Ici, c’est la première fois que l’on arrive avec un nouveau produit, quelque chose que les gens ne connaissent pas. C’est donc un gros plaisir !
Rocklg : Comment avez-vous abordé ce deuxième album après avoir été encensés par la critique, cela change quelque chose ?
Tim : Non parce que finalement, on a beaucoup tourné, le premier album a bien marché mais on n’a pas non plus fait un carton mondial. L’album a été salué, écouté et acheté mais on ne remplit pas des Zénith et encore moins des stades. Notre niveau de vie n’a pas changé, on reste 4 potes qui font de la musique et des tournées. Après 350 dates de concert, on était heureux de pouvoir se poser et construire ce 2ème album. On est donc excité de pouvoir proposer à nouveau quelque chose et de repartir sur les routes et d’avoir le retour des gens.
Rocklg : Vous lisez les premiers retours et articles sur le web et dans la presse ?
Tim : On a déjà eu quelques retours ! Des retours médias qui sont plutôt bons pour le moment, c’est cool… On commence aussi à avoir le retour du public…
Rocklg : Vous êtes d’ailleurs l’un des rares groupes français à séduire dans l’hexagone avec un rock purement anglo-saxon, presque américain, stoner, comment tu l’analyses ?
Tim : Je pense qu’en France on a quand même cette culture rock. Le rock est fragile et pas beaucoup mis en avant chez nous, mais c’est aussi le cas aux Etats-Unis et en Angleterre où les styles hip hop et électro sont à fond aujourd’hui. On séduit également le public français, tout simplement parce que nous sommes français… C’est aussi une volonté de notre part de nous installer sur notre territoire avant tout. On a beaucoup travaillé pour ça.
Rocklg : Votre premier album contenait quelques hits très immédiats malgré déjà une belle densité. Il me semble que ce deuxième album demande plus de temps, plus de maturation, il est encore plus dense non ? Vous le ressentez aussi comme ça ?
Tim : C’est effectivement du au contexte de l’enregistrement, à notre âge, à notre envie... Le premier album a été enregistré quand on était sur la route, les morceaux ont été enregistrés entre deux concerts. On avait une sorte d’urgence à l’époque, il fallait qu’on sorte du matos absolument ! On avait ce côté « 4 jeunes qui font du rock et qui donnent tout ! ». Là, on a pu prendre plus le temps de faire ce que l’on voulait faire. On aime la belle musique, la musique de film, les orchestrations, les arrangements, les belles mélodies. C’était le moyen d’aller plus loin dans la recherche, les arrangements. Chaque note, chaque partie a été décortiquée pour en retrouver l’essentiel. Donc en effet, on le ressent. On n’a que 10 titres, mais c’est un double vinyle ! Donc en effet les titres sont longs et réfléchis…
Rocklg : Comment faites-vous pour enregistrer live tout en ayant autant de détails et d’orchestrations fines dans vos mélodies ?
Tim : C’est là où on se retrouve dans l’essence du rock : 4 mecs qui sont dans une même pièce et qui enregistrent. Pas de partition, on joue le bordel tous ensemble, des fois, il faut une prise, des fois il en faut 50. On a enregistré en Norvège puis on est revenu en France avec les bandes et on a retravaillé et étoffé le disque.
Rocklg : Pourquoi la Norvège ?
Tim : On voulait encore travailler avec Rémi Gettliff qui est notre 5ème membre du groupe depuis le début mais on voulait expérimenter quelque chose de nouveau et pas aller dans son studio. Et il nous a présenté ce studio en Norvège. Il y avait un cahier des charges technique : il fallait qu’on enregistre tous ensemble dans la même pièce, il fallait une salle de prise de son suffisamment grande, il fallait aussi une table analogique avec des enregistreurs à bande. C’est tout ce que Rémi aime travailler. Il nous a présenté une petite dizaine de studios en France ou à l’étranger. Il y avait par exemple Abbey Road dans la liste mais il nous a présenté ce studio en Norvège. C’est Ocean Sound Recordings qui est complètement incroyable ! C’est sur une petite île sur la côte, deux petites maisons au bord de l’eau. Tu dors sur place donc tu peux jouer à n’importe quelle heure du jour et de la nuit… Du coup, on a sauté sur l’occasion. On est arrivé là-bas avec nos morceaux déjà écrits à Lyon toute l’année dernière, le fait d’être dans cette ambiance, en famille. Ca a donné cette couleur brute à l‘album… c’était un mood particulier.
Rocklg : Beaucoup de vos chansons offrent une double personnalité, tour à tour très mélodique puis cataclysmique. Je pense à « Idea Of Someone », « Tired Since 1994 » ou l’énorme « The Big Picture ». Vous aimez cet esprit très dualiste ? Par rapport également à vos visuels très monochromes ?
Tim : Oui car on n’est pas juste un groupe de rock. On est fan de rock et des grands classiques, on a découvert le rock avec ça, mais on est tout aussi fan d’autres genres de musiques : pop, hip hop, classique, post rock, neo classique… Par contre, le fond du rock se ressent sur scène pour tout arracher. On aime donc construire et déconstruire. The Big Picture qui dure 10 minutes, c’est ce qu’on préfère, passer par différents tempos, différentes tonalités, prendre le temps de le construire et de le déconstruire. C’est une sorte de montagne russe avec pleins d’émotions différentes… On aime l’intensité des choses.
Rocklg : Ce que tout le monde ne sait pas c’est que vous avez aussi quelques casquettes d’entrepreneur ! Label, festival, … tu nous expliques ?
Tim : Ca amène une conscience de tout ça, de ce qu’on est en train de vivre. Tout ne tombe pas du ciel, on connait toutes les étapes, les difficultés de financer un studio, de payer les artistes, de gérer les tournées derrière… On a une vision à 360°. On a appris à aimer ça, ce côté entrepreneur qui fait partie de Last Train. On aime aller de l’avant, aller vers un nouveau projet. Si on a un rêve, on met tout en branle pour y arriver. Et on a appris à aimer ça du coup ! C’est aussi ce qui fait qu’on garde les pieds sur terre et qu’on reste humble, rien n’est tombé du ciel. Certains pensent que c’est arrivé très vite mais je peux te dire que non.
Rocklg : On se projette en 2025, si on rêve : où en est Last Train ?
Tim : Assez simplement, on sortirait notre 4ème album et on continuerait à faire des tournées. Ce qui fait notre force, c’est que l’on a que 25 ans et qu’on est qu’au début de notre carrière. Moi je suis extrêmement fan de Bon Iver par exemple. Découvrir qu’il avait plein de projets et sides projects, qu’il y a tout un monde à faire c’est génial ! On a encore plein de choses à faire, de dates et festivals à arpenter à l’étranger, pourquoi pas une carrière aux USA ? Même si ça, ça semble compliqué ! Le monde n’est pas fini et tout reste à faire. C’est l’adage de Last Train depuis longtemps. Tout ce qui peut paraître ouf, pour nous ce n’est pas une fin en soi, c’est juste une étape. On a soif, on a faim ! Le rock est compliqué, on se rend compte qu’aucun groupe de rock en France n’est capable de remplir un Olympia par exemple. Nous non plus d’ailleurs ! On fait tous des salles à Paris et dans le reste de la France pourtant. Mais ça, on a envie un jour !
Rocklg : Vous étiez aux Jeudis du Port au mois d’août à Brest. C’est une population hyper bigarrée, avec la plupart qui ne connaissaient pas ce que vous faisiez, c’est incroyable l’ambiance et le feu que vous avez mis !
Tim : La date à Brest nous a fait beaucoup de bien, pour une raison technique : c’est la première date que l’on jouait de nuit cet été ! On avait un peu froid sur scène, on avait nos lights, on a passé un moment incroyable.
Merci à Tim pour sa disponibilité malgré un emploi du temps ultra booké ! Retrouvez également notre chronique de The Big Picture et le live report de Last Train par Lanig aux Jeudis Du Port.
Propos recueillis par Jean