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Hugh Coltman - Interview - 17.04.2013Image (2013)

Ce soir, le Vauban reçoit pour la deuxième fois Hugh Coltman qui vient, après plusieurs mois de tournée, présenter Zéro Killed, son deuxième album. Arrivé à 18h30, le groupe répète sans relâche une reprise de « Sledgehammer » de Peter Gabriel… Après une grosse séance d’écoute et de fin de balance, Hugh m’invite sympathiquement à le suivre dans les vieilles loges du Vauban. « On a tout notre temps, une heure et même plus si tu veux… ». Hugh est une crème et c’est un vrai plaisir de parler à bâton rompu.

Rocklegends : J’ai lu que ton premier album n’avait pas été soutenu en dehors de la France par ta maison de disque. N’est-ce pas étonnant alors même que The Hoax a connu un certain succès au Royaume-Uni ?

H. Coltman : C’est mon deuxième disque chez Universal et j’en ai marre… c’est la même chose qu’avec le premier. Ils n’ont pas voulu bosser ce disque non plus à l’étranger. Leur dicton, c’est qu’il faut que ça soit au-dessus d’un certain nombre de ventes… genre le volume que fait Jenifer ! Et ma musique, à part coup de chance, ce n’est pas très grand public. Pour autant, dès qu’on a fait des premières parties au Zénith, c’était super. Mais du coup, pour accéder au plus grand nombre, il faut les grandes radios et en ce moment, les grandes radios c’est David Ghetta… C’est encore plus difficile de s’imposer à l’étranger quand le produit vient de la France, même si t’es anglais.

Rocklegends : Et tu ne peux pas t’appuyer sur d’autres labels là-bas ?

HC : Si mais le problème, c’est qu’il faut que Universal permette une licence et ils ne font pas ça…

Rocklegends : Est-ce l’une des raisons pour lesquelles The Hoax s’est reformé ? Cette envie de sortir à nouveau des frontières françaises ?

HC : En fait, on a joué un gros festival blues rock en Hollande, il y a des très gros comme Neil Young, Buddy Guy… autour de la guitare et du coup on a fait un concert qui les a marqué. Ils nous ont rappelés pour savoir si on était motivés de jouer dans d’autres festivals. On était tous en train de faire d’autres choses mais on trouvait l’idée drôle donc on a monté la tournée de 5 ou 6 dates et c’était énorme. Perso, je ne suis pas un soliste, plutôt un guitariste rythmique mais avec mon ancien groupe tout est déjà en place. On a fait un demi-jour de répé, que des morceaux de nos disques. On se connaît tellement bien, ça a été tellement cool. On a voulu faire un nouvel album mais tout le monde avait des projets mais il y a 2-3 mois, on s’est dit « on le fait ou quoi ? » Il y a 2 semaines, on a fait une demande pour 16 000 € à Kiss Kiss Bank Bank (un site de soutien à la création de projet, ndla)… on les a eus en une semaine pour un groupe qui n’a plus rien sorti depuis 12 ans ! Fin mai on va enregistrer aux States, on a deux membres qui vivent là-bas… Et on va faire une tournée. Pour moi c’est un exutoire, je n’ai pas à réfléchir.

Rocklegends : Martin Gore de Depeche Mode a dernièrement fait toute une tirade sur les difficultés de pénétrer l’industrie du disque… avec un avis assez pessimiste. Quel est ton avis là-dessus, comment toi tu le ressens ?

HC : Internet a tout changé… Les maisons de disques n’ont pas du tout prévu la venue d’Internet. Ils ont réagi trop lentement. A l’époque, Napster est arrivé, une plateforme de téléchargement illégal, attaqué et fermé par les maisons de disques. Ils ont racheté les noms pour une grosse somme mais ne l’ont jamais mis en service. Un pote a eu une conversation avec Pascal Nègre il y a 10-15 ans de ça, mais il n’y croyais pas à ce truc de téléchargement… il n’a pas vu venir. Et pendant 5-6 ans, avant l’arrivée d’Itunes de manière opérationnelle, il y a eu une époque où tu ne pouvais pas acheter de la musique légalement. Et donc Megaupload ou Emule se sont installés. Et tous ces gamins de 20 ans n’avaient jamais acheté de la musique, difficile de leur dire maintenant qu’il faut payer de la musique.
Mais cette année, c’est la première fois depuis 1999 qu’il y a un petit regain de forme dans l’industrie du disque. Le problème des maisons de disques, c’est qu’elles essayent parfois de changer de mode de fonctionnement mais c’est tellement lourd que dès qu’elles y parviennent, ça rechange à nouveau ! Le téléchargement, c’est fini. Maintenant les gens vont sur Deezer, Spotify ou même Youtube ! Et même si c’est ridicule en termes de rétributions pour l’artiste, ces plateformes sont excellentes pour donner l’accès à la musique. En plus, les gens commencent à avoir peur de télécharger des conneries.

Rocklegends : Sur Zero Killed, il y a plus d’arrangements et d’instrumentations que sur ton premier album mais ils sont au service de la mélodie qui, avec les chœurs, sont le dénominateur commun entre tes deux albums. C’est ton idéal cet équilibre mélodie / chœurs ?

HC : Pour moi, la mélodie est tout. Je peux écouter tous les genres de musique, sauf peut-être des trucs très hard, mais une fois qu’il y a une mélodie, que ce soit Bowie, les Yeah Yeah Yeahs ou Rufus Wainwright, ce qui me touche ce sont les ambiances et les mélodies. Du coup, c’est normal que tu entendes ça dans mes arrangements. Quand j’ai un arrangement, c’est toujours pour travailler autour de la mélodie.

Rocklegends : C’est vrai, on n’a jamais l’impression que tu tentes de sophistiquer ou de cacher tes mélodies mais vraiment de les sublimer avec ces nouveaux apports ?

HC : Ce n’est pas réfléchi en tout cas… c’est juste du feeling pour moi. Je construis par ce qui me vient autour d’une mélodie que je trouve. C’est fait de manière naturelle. Je ferais sûrement un assez mauvais producteur. Je sais juste comment me réaliser et que j’ai un vocabulaire musical qui me correspond bien. C’est pour ça que le prochain album, j’aimerais le produire avec quelqu’un qui vient de quelque chose de différent pour que je commence à avoir d’autres idées… comme l’utilisation des synthés. Par exemple, j’adore un groupe comme Midlake qui se sert des synthés pour faire des arrangements, ça m’inspire beaucoup en ce moment. Je n’ai pas cette capacité moi, tout seul.

Rocklegends : Tu as bien conscience qu’avec une telle théâtralité dans tes mélodies et ce côté intimiste, on aura définitivement plus envie d’écouter Hugh Coltman dans un cabaret que dans un Zénith ?

HC : Tu sais, il y a un truc assez fou mais avec cette formule en trio, il faut fournir beaucoup plus de choses et moi par exemple je joue beaucoup plus de l’électrique qu’avant, du coup j’essaye de triper sur les sons et j’adore ça. Je joue avec les riffs et les sons de guitare. Et quand on avait fait la première partie de Jason Mraz au Zénith à Paris, ça a cartonné, j’ai du vendre 60 disques comme ça ! J’en avais même plus… On a aussi joué dans un théâtre à Dijon où l’autre versant de ma musique passe très bien. Donc, je pense qu’on est assez polyvalent…

Rocklegends : Oui, d’ailleurs, je vous verrais bien dans des festivals et vous n’êtes pas beaucoup à l’affiche et je me dis, merde… ?

HC : … oui et moi aussi franchement je me dis merde ! J’étais déçu. Je ne sais pas si c’est parce que le disque n’a pas plu… Pourtant les critiques sont très bonnes et le disque, j’en suis fier. Mais peut-être que les gens pensent qu’un deuxième album c’est moins sexy… Comme The Do, le premier album s’est super bien vendu et le deuxième qui est plus abouti, qui sonne mieux, s’est très peu vendu. Donc oui, je suis un peu vert qu’on ne fasse pas beaucoup de festivals mais si tu es vert à chaque fois qu’un truc ne marche pas… tu deviens aigri et moi je ne veux pas de ça. A côté de ça, j’ai aussi The Hoax puis un autre projet avec un super pianiste de jazz, Eric Legnini… Donc j’ai des dates jusqu’à la fin de l’année prochaine. Et début mai, on part en Chine, semaine prochaine on va à la Réunion. Donc ce n’est pas par manque de travail, c’est pour les gars et pour moi aussi, on a beaucoup bossé pour cette formule, surtout Nicolas qui fait les basses, les claviers et les voix. Donc on aura fait 6-7 mois de tournée mais les festivals et les radios n’ont pas suivi…

Rocklegends : En parlant de théâtre, dans le clip de « The End Of The World », tu as la participation de Pierre Richard, une grande figure du cinéma français. Comment s’est passée la rencontre ?

HC : Il est terrible ! Je suis content, je voulais pour le clip que ça soit comme un court métrage. Et je me suis demandé quel comédien pourrait le faire… Puis je venais de découvrir Pierre Richard. J’ai envoyé une lettre avec le disque et j’ai eu son retour : « oui pourquoi pas l’idée de participer à votre clip… ». Et il a participé en long et en large ! Il a 70 ans, il se met debout et commence à déconner, à danser. Il a une idée toutes les 4 minutes ! Il bosse plus que moi, il est incroyable !

Rocklegends : Tu es un anglais exilé en France pour faire de la musique alors que tant de français voudraient être à Londres pour faire la leur… Comment vis-tu cette originalité ?

HC : Quand j’ai quitté les Hoax, je ne voulais pas rester dans mon bled. J’ai pensé à Londres mais c’était très cher puis à Glasgow… Et avec ma copine de l’époque, on avait passé plusieurs jours à Paris et je me suis dit, tiens pourquoi pas ? Il y avait un peu ce truc d’Hemingway, genre «  écrire une chanson ou une poésie sur une terrasse à Paris »… Mais ça m’a aidé de me changer de chanteur en auto-compositeur. Avec les Hoax, je n’avais aucune confiance en tant que compositeur. Du coup, le fait d’être hors de chez moi, à 27-28 ans, à une période où tu penses un peu plus sérieusement à ta vie… Si t’es chez toi, tu ressens trop de pression et à Paris je n’avais pas de pression, c’était excitant.

Rocklegends : Pour finir, que peut-on te souhaiter dans tes rêves les plus fous ?

HC : Mon idéal, quand tu sors ton album, c’est de jouer et de sentir qu’il y a des gens qui l’attentent. Tu arrives dans une salle, le public connaît et qui est conquis. C’est ça l’idéal !

Rocklegends : Ah au fait, bravo pour ta coupe de cheveux sur l’album, je veux bien l’adresse du type qui a fait ça !

HC : (Rires) En fait, c’est une nana hyper douée qui a fait ça. Mais tu sais, il y a une idée plus globale derrière la pochette. Le titre Zero Killed, ça vient de l’origine de l’expression « It’s OK ». Durant la première guerre mondiale, dans les hôpitaux sur les champs de bataille, c’était marqué « Combien de blessés, combien de morts ». Et quand il n’y avait pas de mort, c’était noté « 0 K (zéro K) ». Donc c’est devenu OK. Je voulais une image un peu à la Elvis Costello, un truc assez classe mais si tu regardes bien le costume, il est déchiré… J’aime l’idée qu’un détail change tout. Une personne sur 100 voit ça…

Un grand merci à Hugh Coltman pour sa grande disponibilité, sa franchise… et le magnifique concert dont il nous a gratifié.

Propos recueillis par Jean Jean

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